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Philippe Boyer

Covivio

“J’ai la conviction que le coworking a permis de faire émerger de nouvelles aspirations”

Nouveaux modes de travail, pas si évident

Depuis ces vingt dernières années, le monde est en pleine mutation, à commencer par celui du travail. De la guerre des talents au numérique en passant par la question de l’environnement, chaque entreprise doit être en capacité aujourd’hui de se positionner par rapport à ces changements pour apporter un projet durable et embarquer les employés.

Et le secteur de l’immobilier tertiaire est en première ligne pour opérer les basculements nécessaires à un cadre de travail ouvert aux changements et à une nouvelle culture du capitalisme tournée vers plus de flexibilité, de commodités, d’éco-responsabilité et de création de valeurs.

Ainsi, dans l’immobilier de bureaux plusieurs leviers et modèles économiques ont été expérimentés ces dernières années:

  • Se digitaliser plus,
  • Proposer des espaces ouverts et créateurs de réseaux d’opportunités professionnelles,
  • Être responsable des externalités négatives en les transformant en de nouvelles ressources,
  • Donner accès la ville et à ses réseaux d’affaires en s’appuyant sur une économie servicielle.

L’exemple emblématique pour le secteur, c’est celui du coworking qui devrait atteindre le nombre de 25,000 espaces d’ici 2022 avec une population d’usagers aujourd’hui déjà estimée à 1.7 million de membres dans le monde. Des indicateurs positifs pour une activité économique encore parfois présentée comme une tendance.

Pour autant les démarches entamées par les départements de Recherche-Développement des grandes entreprises et du secteur industriel de l’immobilier et de la ville vers des innovations technologiques et de services posent aujourd’hui des questions quant à leur impact sur la performance et le bien-être des salariés. Si l’heure est au choix pour des transformations à impact global positif, faut-il pour autant suivre la vague des tendances notamment observées dans le secteur du capital-investissement à l’instar des sociétés comme We Company (WeWork, WeGrow, WeLive) ? Y-a-t-il des limites également à observer ?

Pour en savoir plus, ma rencontre avec Philippe Boyer, Directeur de l’innovation chez Covivio, un opérateur européen dans le patrimoine tertiaire, l’hôtellerie et le résidentiel.

La digitalisation conduit-elle à plus de déshumanisation ?

Philippe Boyer: On pourrait spontanément le penser quand on voit le temps que nous passons tous devant nos écrans mais j’ai la conviction que c’est l’inverse qui pourrait bien se produire. Pourquoi ? Parce que dans les entreprises qui auront fait le choix de déployer de nouveaux outils digitaux, notamment conçus pour faciliter le déploiement de l’information, alléger les process, voire atténuer les hiérarchies, celles-ci auront plus à cœur mais aussi plus intérêt, à développer de nouvelles dimensions centrées sur l’humain.

La première dimension est celle de la relation avec les collaborateurs. Quand on voit que la génération des Millennials recherche d’abord et avant tout des missions qui procurent sens, utilité et épanouissement personnel, les entreprises auront de plus en plus l’obligation de privilégier le facteur humain. Dans les entreprises où la culture du silo et de la hiérarchie se seront transformées, le plus important sera la notion de « care »terme anglais que l’on pourrait traduire par « être proche », « à l’écoute »… bref, cette capacité à donner du sens autour d’objectifs communs.

 

C’est ainsi que j’ai la conviction que plus les entreprises
se digitaliseront, plus elles s’humaniseront.

La seconde dimension est celle des missions renouvelées de l’entreprise à l’égard de ses clients. Là encore, la digitalisation croissante induit la création de nouveaux métiers porteurs d’interactions sociales. Bien sûr, les outils digitaux ne manquent pas (sites Web, réseaux sociaux, chatbots…) mais le digital ne signifie pas pour autant « déshumanisation ».

Le coworking atteint-il ses limites ?

Philippe Boyer: Je ne le crois pas. Je dirais même que nous sommes toujours au début de cette vague de « travail différent dans des lieux différents ». D’une certaine façon, j’ai la conviction que le coworking a permis de faire émerger de nouvelles aspirations. Pour les entreprises d’abord, ces lieux permettent de renouveler l’offre qu’elles proposent à leurs salariés tout en repensant leurs politiques immobilières via plus de flexibilité financière et juridique. Pour les utilisateurs ensuite, ces espaces se veulent moins formels que les bureaux classiques et à ce titre, sont censés être plus stimulants pour travailler seul ou en mode projet avec ; souvent, à disposition des services pratiques qui facilitent la « vie au bureau ». C’est typiquement le positionnement des espaces Wellio développés par Covivio.

 

D’ailleurs, nous nous appliquons à parler
de « pro-working » et non de « coworking ».

 

Cette petite nuance sémantique pour dire qu’il y a autant de besoins de flexibilité que d’entreprises et donc que les réponses immobilières à apporter sont multiples.

Ensuite, il est évident de constater que cette vague de coworking qui touche à présent tous les continents a aussi permis de repenser l’immobilier. Le coworking a accéléré la percée du marketing et de l’expérience client dans l’immobilier tertiaire : les expressions de « parcours clients », « d’irritants », de « fidélisation », « d’expérience immersive »… sont exactement le vocable d’autres secteurs qui, depuis longtemps, expérimentent le fameux « B2C » (business to consumer). Sur ce sujet-là, nous n’en sommes encore qu’au début de l’histoire. Demain, le coworking ressemblera de plus en plus à une activité de type « hôtelière » tant dans sa dimension relation client que dans ses modes de gestion via des contrats de management. Chez Covivio, nous connaissons bien tout cela du fait de notre activité hôtelière en Europe.

La prise de conscience de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : un « new deal » pour gagner la guerre des talents ?

Philippe Boyer: Oui, mille fois « oui » ! J’ai été frappé par plusieurs récents articles mentionnant le fait que des milliers d’étudiants inscrits dans des grandes écoles et des universités avaient signé un Manifeste pour un réveil écologique.

L’objectif étant de responsabiliser les entreprises en les questionnant sur leurs objectifs environnementaux. Certains étant prêts à boycotter de futurs recruteurs si ces derniers n’étaient pas assez vertueux à leurs yeux. On voit bien que cette prise de conscience RSE, écologique, éthique… peu importe son appellation est désormais ancrée dans les mentalités et c’est une très bonne nouvelle.

Chez Covivio, les thématiques égalités professionnelles, éthique, mesure de notre impact sur l’environnement via la certification systématique de nos immeubles, insertion dans la Cité, biodiversité… structurent notre politique RSE sur le long terme. Lors des forums écoles ou à l’occasion de recrutements, c’est quelque chose sur lequel nous insistons fortement afin de présenter l’éventail de ces actions très concrètes conçues pour répondre aux défis de notre époque (notamment climatiques…) et ceci en lien avec nos parties prenantes : nos clients, nos fournisseurs ou encore les associations et collectivités locales avec lesquelles nous travaillons.