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Nos prochains défis à venir en termes d’habitat et de mobilités

La question du logement constitue un défi majeur pour notre pays. Au-delà d’être le lieu pivot du quotidien, de l’urbanité et de la qualité de vie, son budget impacte fortement le pouvoir d’achat des ménages. Le loyer représente en effet près de 50 % du revenu disponible brut pour les bénéficiaires de revenus minima garantis. À cette dépense s’ajoutent celle des transports largement tributaires des localisations domicile-travail.

La pénurie de logement sévit dans un contexte dégradé. Le nombre de permis de construire et de constructions continue de diminuer avec un déficit d’offre criant pour les foyers les moins aisés et les classes intermédiaires. Le foncier est rare et cher face à une métropolisation qui s’avère en impasse et une densification urbaine contraignante. Dès lors, l’équilibre économique et financier des programmes est difficile à trouver.

Répondre à ces défis, c’est identifier des solutions innovantes, les récompenser et mettre en valeur l’inventivité des investisseurs, institutionnels, privés et publics, des promoteurs, des architectes et des gestionnaires d’actifs. Mais c’est aussi chercher d’autres angles et notamment traiter la question des mobilités au cœur des modes de vie.

A l’issue des Grands Prix SIMI de décembre dernier, dont nous avons été tous les deux membres du jury, nous avons fait le constat d’un déplacement de la valeur vers l’usage, le partage, la sobriété, mais aussi l’intégration et l’intensification urbaine. Pour y répondre, nous avons évoqué récemment l’injonction à s’extraire d’une habitabilité dominée par l’automobile individuelle. De fait, les limites du système des « circulations habitables » se lisent dans leurs excès. Nous héritons d’une conformation urbaine dominée par des écartèlements croissants entre le logement, le travail et les autres impératifs du quotidien.

À cet égard, le bilan de la crise sanitaire fut implacable. Des soignants qui ne peuvent se loger près des lieux de soin, c’est aberrant. Des déserts médicaux qui se multiplient l’est tout autant. Ces dysfonctions liées à la santé révèlent tout autant d’autres disparités territoriales et sociales. Les déserts sont tout autant commerciaux, serviciels ou de sociabilités, soulignant l’angle mort des politiques d’habitat du rural voire du périurbain, captifs d’une automobile de plus en plus onéreuse et condamnée par ses pollutions. La mèche qui a fait exploser les Gilets jaunes reste allumée. C’est aussi de la responsabilité de l’industrie immobilière que de se préoccuper de ces territoires laissés pour compte.

On tergiverse à ouvrir le capot, mais on sait l’impasse d’une domination automobile et de son urbanisme afférent (en France plus de 80% des km parcourus le sont en voiture). Se cacher derrière la voiture – électrique ou à hydrogène voire autonome –, c’est se fourvoyer.

L’enjeu c’est une ville à portée de main, c’est s’affranchir de la sujétion motorisée pour s’ouvrir à d’innombrables accessibilités alternatives. Comment réduire de manière significative les mobilités subies et épanouir les mobilités choisies ? Conjuguer tous les modes de déplacement (covoiturage, transports publics, véhicules intermédiaires, mobilités actives) est un axe de sobriété et de fluidité. Cela n’exclut pas des accessibilités à distance dont le Covid a démontré les pertinences (le travail délocalisé ou la télésanté). Éviter des déplacements superflus c’est aussi aciviter le jeu des ressources de proximités ou encore la mobilité inversée (les ressources viennent aux résidents : les food trucks ou les maisons de services publics itinérantes entre autres).

Dès lors, il nous semble que le défi des nouvelles habitabilités se réoriente. D’une part élargir à la ville et aux territoires une logique de mixités fonctionnelles et d’autre part organiser leur maillage dans un système qui dépasse l’automobile. Dire ceci c’est donc convoquer les réseaux et leurs connexions – un puissant ressort de la ville depuis la Mésopotamie – et les réinventer au bénéfice d’une urbanité apaisée.

Le maillage contemporain pose des questions. Au sein de ce tissu, à quelle échelle faire coïncider ces rencontres ? Quels lieux imaginer pour les héberger ? Avec quelles fonctions ? Sur quelles mailles ? Des esquisses ont surgi ici et là qui entendent ces exigences. On pense bien sûr à cette génération de tiers-lieux qui peinent à trouver leur place. On pense aussi au projet ambitieux du maillage d’une petite centaine de hubs sur la plus grande intercommunalité française (GPSEO, Grand Paris Seine et Oise, quelques 400.000 habitants), une brillante initiative malheureusement minée par le Covid et des contraintes budgétaires. Elle avait pour socle une fonctionnalité transport (intermodalité des déplacements visant une réduction drastique de la voiture soliste), les hubs s’enrichissaient de services mutualisés rapprochant les ressources de l’habitat et favorisant les sociabilités. Au soulagement des trafics répondait un allègement des pesanteurs du quotidien. Sans doute une voie prometteuse pour les politiques publiques du logement, du transport et de l’aménagement du territoire.


Bernard Michel, Président de Viparis, PDG de la Société immobilière du Palais des congrès (SIPAC) à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de la région Paris Ile-de-France. Ancien Président de Gecina.

Bruno Marzloff, Sociologue et Prospectiviste. Président de la Fabrique des Mobilités.